Mariages, paroisse de Moudon, 1565

Même au 16e siècle, on peut retrouver les gens n'importe où ! Chacune des personnes nommées ici vient d'un endroit différent ! La première personne mentionnée ici vient de La Côte Saint André en Dauphiné (maintenant dans le département de l'Isère, en France); il s'agit très certainement d'un réfugié protestant, un des premiers Huguenots. Si les registres de baptême de cette paroisse ne mentionnent pas le nom de la mère à cette époque, les registres de mariage par contre indiquent presque toujours le nom du père de la mariée, ainsi que son lieu d'origine. Beaucoup de documents de cette époque sont déchirés ou décolorés, mais l'écriture est en général aussi claire que dans cet exemple.

Transcription:

[page] 8           29 [Avril 1565]
Antoine Guyonnet, de la Coste S. André
en dauphiné, Et Claude fille de Bernard
Munier de Bonvillars, baillivage de
Granson.
May
6
Clement fils de feu George Corne, alias
Cheynes, bourgeois et conseillier de
Moudon, Et Claudine fille de feu Jean
Berthod, bourgeois de Lausanne.
13
Jean fils d'Aymé Guillon de Nerieux
paroisse de Thierrens, Et Antoine
fille de feu Pierre Motta de la Gra[n]ge
de Challabru, paroisse de Moudon.
Claude Jordon, demeurant en Bressona,
Et Marguerite fille de Louys Grevey
bourgeois d'Iverdon.


Notes

Pour celui qui connaît bien les patronymes et toponymes de cette région, voici un bel exemple d'écriture ancienne. Par exemple, le "n" et le "v" de Bonvillars sont identiques. Le mot pourrait aussi bien signifier Bouuillars ou Bonnillars! Si l'on ne connaît pas les toponymes modernes, on est coincé ! La seule solution consiste à passer suffisamment de temps à étudier ces documents. Utiliser des documents plus récents pour repérer les patronymes et toponymes, et ce dans une écriture plus moderne; étudier alors les documents plus anciens pour s'habituer à l'alphabet et aux variations orthographiques. On notera que ce document ne parle pas de "mariage" - ce mot ne figure que sur la première page du registre. Mais vous verrez facilement qu'il s'agit de mariages, à cause des renseignements donnés sur les deux parties.

A deux exceptions près, tous les mots sont en toutes lettres. Saint est abrégé en "S.", et un trait au-dessus du "a" de "grange" représente le "n" qui a été omis. Le "J" majuscule peut représenter indifféremment un  "J" ou un "I", comme le montre le dernier acte. C'est la même lettre qui est utilisée pour "Jordan" et "Iverdon" (le dernier est une variante orthographe fréquente du "Yverdon" moderne).

Les pères de deux des épouses sont décédés. Avant le 19e siècle, il était fréquent que les filles ne se marient qu'après le décès de leur père, car la liquidation de la succession de leur père était propice à la constitution d'une dot, et aussi parce qu'il devenait matériellement plus difficile de conserver tous les membres de la famille sous le même toit. La coutume de la dot et du contrat de mariage contribuait à valoriser les veuves, dont le patrimoine ne comportait plus seulement leur dot initiale, mais aussi les biens de leur défunt mari.

Lorsqu'un document indique "bourgeois de Moudon", nous pouvons être assurés que cette personne a été acceptée comme citoyen de Moudon. Lorsque le document indique autre chose que "bourgeois", comme par exemple "demeurant", "résidant", "habitant", ceci implique qu'il ne s'agit pas d'un citoyen de l'endroit, mais qu'il vivait simplement là. Vraisemblablement, il était citoyen à un autre endroit. L'une des difficultés de la recherche généalogique dans cette région consiste à retrouver quelle est la citoyenneté héréditaire d'une personne. Pour cette raison entre autres, il est important d'étudier autant de documents que possible, en recherchant toutes les mentions faites d'une personne. 

Il faut aussi expliquer ici le contrariant problème des surnoms . Au 16e siècle, il semble qu'en Vaud tout un chacun possède un surnom. Et même, certains en ont plusieurs ! Dans les documents de l'époque, nous trouvons beaucoup de noms avec deux surnoms possibles. Parfois, les deux sont indiqués, mais dans un ordre donné : Corne alias Cheynes, ou Cheynes alias Corne. On peut rencontrer le terme latin "alias" ou le terme français "dit" (à cette époque, "dict"). Ces noms peuvent être portés par la personne qui est à l'origine du surnom, ainsi que par tous ses descendants (mâles ou femelles), mais en réalité beaucoup de documents ne comportent qu'un seul des noms, sans aucune indication du fait que la personne puisse être connue sous un autre nom. D'où s'ensuit une très grande confusion !  Ce surnom peut être un patronyme maternel, un sobriquet, un toponyme, un métier, mais la plupart du temps on n'en trouvera pas l'origine exacte. Au bout de quelques générations, le mot "dit" peut disparaître complètement, et seul l'un ou l'autre des deux noms est conservé. Voici encore une bonne raison d'étudier ces registres paroissiaux et notariaux en détail ! Si vous n'avez pas repéré la petite note dans un coin qui indique que votre ancêtre était connu sous deux noms, vous ne penserez jamais à aller le rechercher sous ce deuxième patronyme !


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Traduction française par Anne Bohy