L'Evêque, prince temporel. - Les Terres de l'Evêché. - Lausanne: la Cité, le Bourg. - Reconnaissances des droits de l'Evêque, et des Coutumes de Lausanne. - Concessions des Empereurs en faveur de l'évêque Amédée. - L'Evêque reconnait le duc de Zaeringen comme Avoué-Impérial. - Le duc de Zaeringen achète la charge d'Avoué-Episcopal. - L'évêque Landric s'oppose à cet achat et prend des mesures militaires contre le Duc. - Landric doit resigner l'Episcopat. - Son successeur Roger accuse le Duc et l'Empereur devant la Diète-Impériale. - Les charges d'Avoué-Episcopal et d'Avoué-Impérial laissées au duc de Zaeringen, mais à titre honorifique. - Note sur le Diocèse de Lausanne, ses Décanats, ses Paroisses, ses Monastères, et ses Hospices.
Les évêques de Lausanne auxquels Rodolphe, dernier roi de Bourgogne-Transjurane, avait, en 1015, donné le titre de COMTE DE VAUD, n'exerçaient leur pouvoir temporel que sur la partie du diocèse désignée sous le nom de TERRES-DE-L'EVECHE, qui, ensuite de diverses investitures des empereurs Henri IV et Conrad II, comprirent les villes et les seigneuries suivantes:
LAUSANNE et les villages de sa banlieue: Chailly, Belmont, Pully, St-Sulpice, Chavannes, Crissier, Renens, Jouztems, Mézery, Prilly, Cugy, Morrens et Bretigny.
LAVAUX et ses quatres paroisses: Lutry, Villette, St-Saphorin et Corsier, données par l'empereur Henri IV à son compagnon d'armes, l'évêque Burchard.
BULLE, Albeuve et le Pays-de-Roche, dont les Fribourgeois dépouillèrent l'évêque de Lausanne à l'époque de la Réformation.
AVENCHES, ancienne résidence des évêques, avec les terres qui dépendaient de cette ville.
LUCENS, CURTILLES, et VILLARZEL1.
Lausanne, ville principale des Terres-de-l'Evêché, était forméee, dès le Xe siècle, de deux villes: la CITE et le BOURG.
La Cité, placée sous l'administration ecclésiastique, n'avait point d'autorités municipales. Construite sur une haut colline, elle était entourée de murailles s'étendant dès le bas de la rue Cité-Dessous, le haut des rues Mercerie et Madelaine, aux portes fortifiées de St-Maire, de Couvaloup et de St-Etienne.
Le Bourg, comprenant, dès l'origine, St-Pierre, la rue de Bourg et la Cheneau-de-Bourg, s'étendait jusqu'à la rive gauche du Flon. Cette ville, également entourée de hautes murailles crénelées, avait une administration municipale, dont l'origine se perd dans la nuit des temps.
Les vastes bâtiments du monastère des Cordeliers de l'ordre de St-François, et son église, couvrirent ensuite le quartier actuel de St-François.
St-Laurent, Martheray, le Chêne, étaient des faubourgs ruraux, où l'on voyait les églises paroissiales des villages de la banlieue: Chailly, Belmont, Pully, St-Sulpice, Chavannes, Crissier, Renens, Jouxtems, Mézery, Prilly, Cugy, Morrens et Bretigny. Ces villages, dont plusieurs étaient très-peuplés, entr'autres Renens, n'avaient que des chapelles, succursales des huit églises paroissiales de Lausanne. Ces villages de la banlieue contribuaient à l'entretien des fortifications de la Cité, du Bourg et des faubourgs, formant ensemble la ville de Lausanne.
Sur une éminence qui commandait Lausanne, la Caroline, s'élevait l'ancien palais des rois de Bourgogne-Transjurane, où après eux résidèrent les avoués de l'Empire2.
L'Evêque, seigneur de Lausanne et des Terres-de-l'Evêché, exerçait un pouvoir souverain3. Mais ce pouvoir, loin d'être absolu, était limité par des coutumes, qui, dans le XIIe siècle, furent reconnues, arrêtées et mises par écrit dans une assemblée composée du clergé, des barons, des chevaliers, des bourgeois, et présidée par Ardutius, évêque de Genève, appelé probablement à Lausanne comme médiateur entre l'Evêque, le chapitre et les laïques. Voici les actes principaux de cette assemblée:
Comme le droit exige et que l'habitude consacre que les droits et les coutumes du Seigneur lui soient reconnues dans sa juridiction, cette reconnaissance a été faite à l'Evêque de Lausanne par le Clergé (clerici), les Barons, les Chevaliers et les Bourgeois, à savoir:
Toute la ville de Lausanne, tant la Cité que le Bourg, est la dot et l'alleu de la Bien Heureuse Vierge Marie, et de l'Eglise de Lausanne.
Les Chanoines ont la libre élection de l'Evêque, et doivent seulement au Roi des processions et des prières.
Le Seigneur Evêque de Lausanne tient du Roi les droits régaliens. Ces droits sont: les grands chemins; les péages; les vendes, les forêts noires; les monnaies; les foires; les mesurres; les usuriers connus; les bamps anciens et les nouveaux établis d'un commun accord; les cours d'eau; les voleurs et les ravilleurs.
C'est pour toutes ces choses que le Seigneur Evêque est soumis au Roi, en ce que si, étant appelé pour les affaires de l'Evêque ou de la ville, le Roi arrive le soir ou le matin, on lui doit ses provisions.
Le Roi n'a aucun droit de plus ou aucune juridiction dans la ville de Lausanne et sur les Bourgeois qui demeurent hors des murs de la ville. Dans les trois terres du Seigneur Evêque, Avenches, Bulle et Curtilles, les Bourgeois doivent payer les provisions du Roi. Et ces provisions doivent être achetées par deux personnes de la maison du Seigneur Evêque, avec deux Bourgeois. Et, en autres choses, ils doivent servir l'Evêque comme le Roi.
L'Avoué (advocatus) tient l'avouerie des mains de l'Evêque pour ce qui est hors des murs de la Cité, et pour les trois terres de l'Evêché, ci-dessus mentionnées, Avenches, Bulle et Curtilles, pour lesquelles choses l'Avoué doit être homme lige du Seigneur Evêque.
Aux droits de l'Avoué appartient le tiers des bamps, dans le Bourg de Lausanne et dans les trois terres désignées plus haut. L'Avoué n'a aucune part aux échutes (eschaitis).
Les Bourgeois en état de porter les armes doivent suivre à l'alfuarcri (le forcri, cri pour aller dehors), le Mayor, le Sénéchal ou le Sautier, et cela sous peine de trois sols de bamp; en sorte qu'ils puissent revenir le même jour chez eux, à moins que d'un commun accord, il ne soit jugé nécessaire de rester plus longtemps avec le dit Mayor, Sénéchal ou Sautier.
Mais si, d'un commun accord, l'Evêque en personne, ou en celle de son Nonce, marche contre les ennemis de l'Eglise, celui qui ne l'aurait pas suivi sera passible de 50 sols de bamp.
Si le Seigneur Evêque se rend auprès du Roi pour les affaires de l'Eglise, d'après le conseil des notables de la ville, ou si le Roi le mandait auprès de lui (ad curiam denunciatam), deux ou trois Bourgeois, qu'il voudra mener avec lui, doivent lui fournir des dépenses en allant et an revenant. Mais ces dépenses seront couverte par les habitants du Bourg de Lausanne de des trois terres sus-nommées.
Les Bourgeois doivent aide au Seigneur Evêque, et le maintenir dans ses droits.
Et pour cela, les Bourgeois doivent lui faire un crédit de quarante jours pour ses victuailles et pour la ferrure (ferratura), pourvu que quelqu'un de ses Mestraux en réponde. Mais si au quarantième jour sa dette n'a pas été payée, le Seigneur Evêque doit donner un gage pour sa dette; lequel gage sera gardé pendant un an et un jour sans être vendu.
On doit faire aux Chanoines et aux Chevaliers un crédit de quinze jours sur leurs gages, pour la ferrure et pour leurs victuailles. Et pour cela et pour d'autres services, le Seigneur Evêque doit défendre les Bourgeois et leurs biens, tant avec l'épée temporelle qu'avec l'épée spirituelle.
Celui qui se sert d'une fausse mesure, d'un faux poids, d'une aune fausse, est tenu à soixante sols de bamp en faveur du Seigneur Evêque.
Dans la Cité, chacun est sauf, excepté le voleur, le faussaire et le traître.
Dans le Bourg, sera mis au bamp de soixante sols celui qui aura fait effusion de sang, ou étant hors d'une maison aura dégainé une épée, ou tiré un couteau, une lance ou toute autre espèce d'armes.
Les Chanoines, les familiers (familia) ou Chapitre des Chanoines, les familiers du Seigneur Evêque, le Clergé (clerici, les clercs), les Chavaliers et leurs familiers, dans leurs propres maisons, sont tous exempts de la loi commune.
Si quelqu'un s'empare des pâturages, il sera puni ainsi qu'il est dit dans le Plaid-Général. Le Seigneur Evêque, non plus que l'Avoué, ne doivent le défendre.
Ces reconnaissances générales, ajoute le Cartulaire de Lausanne, ont été faites en conseil des chanoines, des barons, des chevaliers et des bourgeois, par Ardutius, évêque de Genève, et en présence de G. Carbo, P. Bovo, V. d'Orsonnens, etc.
Dans le même année les statuts suivants sur les droits de l'Evêque et des chanoines furent également arrêtés:
En 1145, l'Empereur Conrad II confirma, par la charte suivant, l'autorité temporelle des évêques de Lausanne, et fit restituer à l'Eglise toutes les terres qui en avaient été détachées:
Au nom de la Sainte et Indivisible Trinité, CONRAD II, par la clémence divine, roi des Romains.
Le définition de la justice est de s'efforcer, avec une volunté constante et continuelle, de rendre à chacun suivant son droit. Bien que tout le genre humain ait été élevé, tant par la loi naturelle que par les institutions royales, à cultiver et à pratiquer sans cesse cette vertu, cependant il appartient plus particulièrement à la Majesté royale de revêtir d'une manière immuable cette disposition d'esprit. Notre majesté doit donc, dans l'intérêt de la piété et de l'équité, témoigner une bienveillance toute particulière aux personnes qui professent le plus sincère attachement aux choses divines, aux personnes qui nous aident dans l'administration de notre royaume par un travail consciencieux, par le secours d'une éloquence choisie et de conseils sincères, et par leur application infatigable au travail.
C'est pourquoi, que tout présents et futurs sachent que pour la stabilité de notre royaume, pour le salut éternel de notre âme et des âmes de nos parents, et aussi en considération de l'interposition et des demandes d'Amédée, vénérable évêque de Lausanne, nous prenons sous notre patronage la dite Eglise de Lausanne et ses possessions, nommément Morat, Lutry, Corbière, Corsier, Cubyzaca (lieu inconnu), et Lugnores. Nous lui donnons aussi tout ce que le duc Rodolphe de Rheinfelden, proscrit et condamné par les lois divines et humaines dans sa vie et dans ses biens, à cause de nombreuses prétentions coupables qu'il avait élevées contre l'Empire sous notre prédécesseur l'empereur Henri IV, nous lui donnons tout ce que le dit duc et les siens possédaient en-dessous de la Sarine, du Mont St-Bernard, du pont de Genève et au-dessous du Jura et des Alpes, avec toutes les appartenances, ainsi que cela est contenu dans le privilége du dit empereur Henri et de notre autorité royale, nous confirmons toutes ces choses au susdit Vénérable Evêque de l'Eglise de Lausanne.
De plus, par écrit royal, nous décrétons que les donations des biens de l'Eglise faites par Lambert, qui en a occupé le siège épiscopal, sont sans force.
Et afin qu'aucune personne puissante ou non, n'ose, à l'occasion de la donation de Lambert, retenir quelque chose appartenant à l'Eglise de Lausanne, et afin que l'Evêque de Lausanne et ses successeurs jouissent de toutes ces choses sans être inquiétés, chacun à leur tour, librement et paisiblement, et afin que notre ratification demeure intacte et régulière, nous avons écrit cette charte, y avons fait apposer notre sceau, et avons fait signer ci-dessous les témoins qui se trouvaient là, et dont suivent les noms...
La signature de Conrad II, roi des Romains, a été reconnue par moi, Arnold, vice-chancelier de Henri, archevêque de Mayence et archichancelier, l'année de l'Incarnation de notre Seigneur, 1145. Indiction VIII. Sous le règne de Conrad II, roi des Romains, et la huitième année de son règne. Heureusement daté à Worms, en Jésus-Christ, amen!
L'empereur Fréderic-Barberousse augmenta encore la puissance temporelle des évêques de Lausanne. Ainsi, dans l'année 1155, il revêtit l'évêque Amédée de la charge de Chancelier de l'Empire; il lui accorda le droit de conférer et de révoquer les bénéfices ecclésiastiques, d'accepter les fiefs offerts, de confirmer les donations faites à l'Eglise; enfin, il lui donna le droit de citer devant la Cour-Episcopale, non-seulement les ecclésiastiques, mais aussi les laïques. Ces prérogatives furent conférées à l'Evêque, en sa qualité de Représentant-Impérial.
Revêtus de ces hautes fonctions et d'un pouvoir temporel aussi étendu, les évêques durent souvent employer la force des armes pour se faire obéir ou pour défenre leurs droits. Aussi, la charge d'Avoué (advocatus), devint d'autant plus importante et lucrative, que le pouvoir temporel des évêques grandissait. Ces avoués mirent un grand prix à leur charge; ils la conservèrent dans leur famille, ou bien la regardant comme leur propriété, ils en disposérent soit par vente, soit par tout autre mode de transmission.
Ces avoués, profitant de leur ascendant, empiétèrent souvent sur les droits de l'Evêque, et même l'un d'eux, le comte de Genevois, en 1156, forma le projet de s'emparer de Lausanne. Dans ce but, il fortifia son château de la Caroline, il y éleva une tour et y introduisit une garnison. Mais l'évêque Amédée, secondé par les nobles et les bourgeois, surprit le château de l'avoué, en chassa la garnison, et fit raser la tour et les fortifications de ce château jusqu'au niveau du sol.
Toutefois, l'Evêque voyant qu'il ne pouvait résister au comte de Genevois, qui voulait rentrer, par la force des armes, dans l'exercise de sa charge, eut la fâcheuse pensée d'entamer des négociations avec Berthold IV, duc de Zaeringen, qui, sous le titre de Recteur, exerçait la puissance impériale sur l'Helvétie-Allemande. Ce prince, voyant dans cette démarche un moyen d'étendre son pouvoir sur le Pays de Vaud, entra en conférence avec l'évêque Amédée, et en 1157, il conclut avec lui le traité suivant:
Le duc s'engage à ne gêner en rien la libre élection de l'Evêque, et à ne pas recevoir dans son hommage ceux qui tiennent leurs fiefs de l'Eglise de Lausanne; il promet, au contraire, d'aider l'Evêque à recouvrer les biens qui en seraient aliénés.
Le duc, ni les gens de sa suite, ne doivent prendre gîte dans les bourgs, villages et manoirs appartenant à l'Eglise, ou séjourner dans le palais épiscopal, ou dans les habitations des chanoines, non plus que dans les maisons fortes des vassaux (milites) de l'Evêque.
Quant aux droits dus à l'Empereur, à chaque nomination d'un évêque, le duc y renonce pour lui et ses successeurs, et il en fait l'abandon gratuit à l'Evêque, ainsi que des autres droits régaliens.
En revance, le clergé, les vassaux de l'Eglise (burgenses) et le peuple, s'engagent à recevoir le duc à Lausanne en procession, et avec tous les honneurs dus à son rang, à lui offrir la double bien-venue (duas procurationes), laquelle doit lui être remise, de la part de l'Evêque par les gens de sa maison (familiares), accompagnés de deux notables bourgeois4.
Par ce traité, le duc de Zaeringen était bien reconnu comme Avoué-Impérial, ou représentant de l'Empereur, mais il ne l'était pas comme Avoué-Episcopal, charge lucrative à laquelle appartenait non-seulement le tiers de toutes les amendes prononcées dans le ressort des Terres-de-l'Evêché, mais encore le tiers des droits régaliens. C'était un seigneur de la maison de Gärenstein, qui, alors, était revêtu de la fonction d'Avoué-Episcopal. Mais ce seigneur étant vassal de la maison de Zaeringen, fut forcé, par son suzerain, à lui vendre l'avouerie épiscopale. En vertu de ce nouveau titre, le duc exigea de l'Evêque les revenus de cette avouerie.
Landric, successeur de l'évêque Amédée, mort en 1159, indigné de ce procédé, et voyant les exactions que le duc de Zaeringen se permettait sur les vassaux et le peuple des Terres-de-l'Evêché, prit les mesures les plus énergiques. Il plaça de fortes garnisons dans ses châteaux, fit ceindre de murs tous les bourgs, entr'autres celui de Curtilles; et fit construire le château fort de Lucens, le fort de Puidoux et la tour d'Ouchy. Il s'occupa aussi des fortifications de Lausanne, et craignant probablement une attaque du côté du Bourg, il établit une ligne de fortifications du côté de la Palud et de la rue du Pré, alors terrains peu habites, et fortifia l'enceinte de la Cité, du côté du Couvaloup.
Toutefois, ces mesures, prises pour maintenir l'indépendance des Terres-del'Evêché, exigèrent de grandes dépenses. Les chanoines, les vassaux de l'Eglise et le peuple murmurèrent, ils accusèrent l'Evêque de prodigalité et de mauvaises moeurs, et même ils portèrent leurs plaintes à Rome. Landric, appelé à se justifier, quitta Lausanne, et passant les monts, il se rendit auprès du pape Alexandre III. Mais le St Père, prévenu contre lui, n'approuva point sa justification. Alors Landric résigna l'épiscopat, et en 1174 revint à Lausanne, et rentra dans le chapitre de ces chanoines qui l'avaient persécuté. Mais dégouté du séjour de Lausanne, il se retira à Curtilles, et s'y voua à l'agriculture, à laquelle il fit faire de grands progrés. "Erat libenter apud Cutrillam et libenter exercebat agriculturam5."
Son successeur, Roger, qui, selon le baron d'Estavayer, était de la maison d'Avenches, nâquit en Toscane et était légat du Pape en Franche-Comté. Elevè en Italie, cet évêque professait les maximes ultramontaines, et loin de renier la politique de son prédécesseur Landric, il résolut de rendre à l'Eglise de Lausanne son ancienne prééminence et tous ses droits temporels. Toujours en lutte avec le duc de Zaeringen, l'évêque Roger en appela au synode de Strasbourg, présidé par l'empereur Fréderic-Barberousse. Admis devant cette assemblée, Roger énuméra les graves atteintes que la maison de Zaeringen avait portées à la dignité de l'évêque de Lausanne; il fit le tableau des molestations de des dommages graves dont les gens de Berthold se rendaient journellement coupables envers les vassaux de son Eglise; et même il ne craignit pas de se plaindre en présence de l'Empereur de ce que ce monarque avait concédé des droits de régales, et la suzeraineté sur le pays Romand (romania terra): "Concessions, dit-il, contraires aux priviléges antérieurs de son Eglise, et frappées de nullité, puisque l'Evêque, siègeant à Lausanne à l'époque de ces concessions, n'avait point été légalement assigné par l'Empereur, et n'y était ni présent, ni consentant."
Le synode écouta avec faveur ces énergiques remontrances. L'archevêque de Besançon, les évêques de Spire, de Strasbourg, de Bâle et de Genève, puis la diète impériale elle-même, déclarèrent que l'Empereur pouvait faire droit aux plaintes portées par l'Evêque de Lausanne. Toutefois, on ignore si l'Empereur révoqua la concession des régales du diocèse de Lausanne, mais il est certain que dès cette époque l'Avouerie-Impériale et l'Avouerie-Episcopale, restées entre les mains des ducs de Zaeringen, ne furent plus que des titres honorifiques6.
1Voyez: Recueil des chartes, statuts et documents concernant l'ancien Evêché de Lausanne; par F. de Gingins-La-Sarra et Fr. Forel. Tome VII des Mém. et Doc. de la Soc. d'Hist. de la Suisse romande.
2Ce château existait encore à l'époque des guerres de Bourgogne, en 1475, et servit alors de résidence à la cour de Savoie. Voyez: de Gingins, Lettres sur la guerre des Suisses contre le duc Charles-le-Hardi. Page 118.
3L'Evêque exerçait aussi le pouvoir épiscopal sur le Diocèse ou Evêché de Lausanne. Voyez à la fin de ce chapitre la note sur cet Evêché.
4Cartulaire de Lausanne.
5Cuno d'Estavayer, Chronique des Evêques. Cartulaire de Lausanne, 1240.
6D'après de Gingins, Mémoire sur le Rectorat de Bourgogne, pag. 75-85.