Nous, Amédée VI, comte de Savoie, faisons savoir que désirant suivre les faits et actions de nos prédécesseurs, confirmons les droits et libertés de Moudon. A savoir que ces droits, libertés et franchises de Moudon sont celles qui suivent :
Le seigneur comte de Savoie doit jurer qu'il conservera les droits et coutumes du dit lieu;
Les bourgeois, de leur côté, doivent jurer de conserver et garder fidèlement les droits et l'honneur du seigneur.
Si un étranger ou voyageur meurt à Moudon sans avoir fait son testament, ses biens sont mis en dépot entre les mains de deux prudhommes, et gardés pendant un an et un jour; si, pendant ce temps, ils ne sont pas réclamés par les héritiers, ces biens seront donnés à qui bon semblera au seigneur.
Si quelqu'un vient à Moudon et prête serment à la ville, et s'il s'y arrête pendant un an et un jour au sçu de son seigneur, et qu'il n'ait point été réclamé pendant ce cours d'an et jour, il demeurera Bourgeois. Mais s'il a été requis, il devra faire raison à son seigneur; et s'il ne peut rendre raison, et que son seigneur vérifie par deux personnes de la condition pareille à l'homme qu'il réclame, et jure et fasse serment avec ces témoins, que l'homme réclamé est homme taillable, la ville ne doit pas le tenir pour Bourgeois. Mais il peut demeurer dans la ville ou le district de la ville; mais s'il veut partir, la ville doit le conduire avec son bagage un jour et une nuit durant.
Le marché de Moudon sera le jour du lundi, et il y aura un sauf-conduit pour ceux qui y viendront dès le dimanche précédent jusqu'au mardi sécutif au soleil couchant. Ceux qui viennent au marché et qui y ont vendu quelque choses ou denrée, doivent les ventes au seigneur. Mais s'il s'en était allé sans payer les ventes, il doit retourner ou les envoyer par un messager; mais s'il ne peut retourner à la ville, ni renvoyer les ventes, il doit les mettre à côté du chemin, sous un pierre, et mettre deux pierres à côté pour témoignage, et le lundi suivant il doit retourner et prendre avec lui deux hommes de bonne foi, et prendre les ventes du lieu où il les aura mises, et les rendre au Seigneur. Ainsi, il sera quitte pour les ventes et pour le bamp.
Si quelqu'un venant au marché tombe en maladie ou infirmité, la ville le doit conduire ou faire conduire quand il sera revenu à convalescence et qu'il voudra s'en retourner.
Si quelqu'un a manqué de payer les ventes, il paiera au seigneur soixante sols et obole.
Celui qui vend quelque chose en la ville de Moudon ne doit pas les ventes, excepté la veille, le jour et le lendemain du marché.
Un Bourgeois, dès qu'il est depuis un an et un jour, ne doit point payer les ventes.
Chacun peut mettre en vente les choses à vendre devant sa fenêtre, excepté les denrées qui se vendent à la boucherie.
Si quelqu'un rompt les franchises du marché, il paie au seigneur soixante sols d'amende.
Si quelqu'un venait à frapper une personne au jour du marché, il sera accusé d'avoir rompu les franchises du marché.
Personne ne doit être saisi dans les limites de la ville de Moudon sans l'avis des bourgeois du dit lieu, si ce n'est le brigand, le traitre, le meurtrier, ou quelqu'autre qui aura manifestement commis un crime encourant un châtiment corporel.
Le seigneur ne doit pas imposes de bamp dans la ville de Moudon sans l'avis des bourgeois, si ce n'est pour rupture du marché, ou quand il faudra faire une chevauchée ou saisir un Bourgeois.
Le seigneur ne peut pas recevoir quelqu'un Bourgeois ou faire prêter serment à un Bourgeois sans l'avis des Bourgeois.
Si quelqu'un a querelle avec un autre, et s'il le bat ou frappe, le fait se prouvera d'un homme ou femme qui en puissent faire serment, et qui ne sont pas des débatteurs mêmes, les querelleurs étant exclus du témoignage. Le rapport du débat doit se faire devant des prudhommes et en présence de celui contre qui il se fait, s'il veut être présent. Si celui qui fait un rapport est Bourgeois, son rapport est à croire, pourvu qu'il le confirme par le serment prêté à la ville; mais, s'il n'est pas Bourgeois, il doit prêter serment qu'il dira la vérité.
Celui qui frappera d'un bâton ou d'une autre arme, soit que le sang s'en suive ou non, paiera soixante sols au seigneur, et trente sols à la personne blessée.
Si quelqu'un a débat avec un autre, et qu'il lui jette une pierre, et que le coup de la pierre apparaisse ou sur une pierre, ou sur la parois, ou sur la terre, ou sur la muraille, encore qu'il n'aura pas atteint la personne même, il paiera soixante sols pour l'amende, et trente sols comme sus est dit.
Celui qui, en se querellant avec un autre, tire son couteau ou son épée, ou darde sa lance hors de sa maison la longeur d'une coudée, il paiera comme ci-dessus est dit; et s'il a fait une plaie, il sera tenu de payer le salaire du médecin qui aurait été appelé, et au blessé ses frais et dépens. Mais si le blessé voulait hausser outre mesure ce salaire et ces frais, le seigneur devra faire l'estimation, en s'adjoignant pour cet effect deux prudhommes de Moudon.
Celui qui frappe du poing paiera trois sols d'amende, et dix-huit deniers à celui qu'il aura frappé.
Qui donnera un soufflet, cinq sols d'amende et trente deniers au frappé, si ce n'est qu'il fasse venir du sang, alors il paiera soixante sols d'amende et trente sols au frappé.
Celui qui tire un autre avec violence des deux mains, qui frappe quelqu'un du pied, qui déchire les habits de son prochain, paiera dix sols d'amende et cinq à l'offensé.
Celui qui prend avec violence ce qui appartient à autrui, paiera soixante sols d'amende, restituera les objets ravis, et paiera trente sols à celui à qui les objects appartiennent.
Si un Bourgeois a quelques-uns des susdits débats hors des bornes de la ville, il ne paie que la moitié des amendes et des indemnités ci-dessus indiquées.
Si quelqu'un nomme un autre personne avoutro, ou punais, ou ladre, et qu'elle ne soit pas telle, il paie dix sols d'amende, et cinq sols à l'insulté.
Si quelque mauvais sujet, homme ou femme, dit des paroles déshonnêtes à un homme ou une femme de bien, et que ceux-ci lui donnent un soufflet, ces dernier ne paient aucune amende.
Quant un Bourgeois fait clame contre quelqu'un, il ne donne point de caution, si ce n'est qu'il lui fasse un appel pour le combat judiciaire.
Celui contre qui la clame est faite doit donner caution ou se conformer aux statuts, soit ordonnances de ville.
Le Métral coupe et égalise toutes les mesures sous son sceau.
Celui qui tient deux mesures : une grande pour acheter, et une petite pour vendre, sera remis à la miséricorde du seigneur.
Les bouchers ne doivent gagner qu'un denier par sol. (Suivent les règlements très-détaillés sur la police des boucheries.)
La boulangère ne doit gagner que deux deniers par coupe outre son capital.
Le meunier doit moudre trois muids pour une coupe.
Le fournier doit cuire la coupe pour un denier, et il doit porter les mays d'un bout, et celui auquel est la pâte de l'autre bout, ou bien il les doit conduire.
Tous, à Moudon, doivent moudre aux moulins du seigneur et cuire à ses fours; mais, si après avoir attendu un jour et une nuit, ils ne peuvent y moudre et y cuire, ils pourront moudre et cuire où ils voudront.
Les meurtriers, les brigands, et les traîtres sont échus au seigneur.
Les biens des usuriers manifestes mourant sans avoir d'enfants sont échus au seigneur.
Chaque maison doit par toise deux deniers au seigneur, payables à la St-André.
Celui à qui appartient une maison peut la vendre sans le permission du seigneur, et l'acheteur devra payer une coupe de vin au seigneur.
(La charte fait ensuite l'énumération des droits que chaque personne exerçant un métier doit payer au comte de Savoie; elle donne le mode de procéder sur les gages; elle règle la police des tavernes.)
Les Bourgeois de Moudon doivent au seigneur la chevauchée dans les évêchés de Lausanne, de Genève et de Sion jusqu'à Sion, et doivent rester à cette chevauchée pendant huit jours à leurs propres dépens.
Quiconque produit des témoins doit attendre jusqu'à neuf heures celui contre lequel il les produit; mais après ce temps écoulé, il doit jurer qu'il produit de bons témoins, dont le témoignage sera reçu par le seigneur ou devant des prudhommes, si le seigneur ne peut être présent.
Les serviteurs du seigneur, ni ceux de celui contre lequel on produit des témoins ne peuvent être admis en témoignage.
Les personnes qui représentent le seigneur à Moudon, savoir : le Bailli, le Châtelain, le Vidome et le Métral, sont tenus de rendre jugement à Moudon, de connaître toutes causes d'après l'avis des Bourgeois (consultés comme Coutumiers ou Jurés). Dans le cas où les Bourgeois ne voudraient pas donner leur avis, ou ne le sauraient pas, ou qu'ils ne seraient pas d'accord, les susdites personnes qui représentent le seigneur à Moudon, preuvent prendre conseil et recourir à la cour du seigneur (à Moudon), et si l'une ou l'autre des personnes de la cause se sent grévée, elle peut en appeler à la cour du seigneur comte (à Chambéry).
Pour foi des choses ci-dessus écrites, Nous, Amédée, en ratifiant perpétuellement la teneur des présentes, en faveur des Bourgeois de Moudon, nous avons voulu et voulons leur faire cette grâce spéciale, et avons trouvé à propos d'apposer notre sceau aux présentes, données à Morges le 14 de juillet, l'an du Seigneur 1359.