Utilisation des actes notariés du canton de Vaud

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Comment trouver ces documents?

Le premier problème consiste à déterminer s'il existe des actes notariés utiles à vos recherches.Vu qu'il n'y a pas d'index général, et vu que les notaires pouvaient en principe établir des actes n'importe où dans le canton de Vaud, il vous faudra résoudre quelques devinettes. Voici l'approche qui m'a permis d'obtenir les meilleurs résultats :
  1. Identifiez les villes où vos ancêtres ont vraisemblablement opéré leurs transactions commerciales. Faites la liste de toutes les villes qui leur sont associées dans les registres paroissiaux (celles où ils ont fait baptiser leurs enfants, celle où ils se sont mariés, celles où ils sont parrains ou marraines d'autres enfants, ainsi que la commune d'origine de leurs parents et beaux-parents).
  2. Identifiez les districts dont dépendent ces villes. Si une ville se trouve à la limite de deux districts, mettez les deux districts dans votre liste.
  3. Identifiez la période intéressante pour chaque ville ou district. Il vous faudra commencer par examiner tous les actes de la période où votre ancêtre et ses enfants étaient dans la région, puis poursuivre avec les documents des époques où ils étaient susceptibles d'être déjà dans la région. Les documents concernant l'établissement de résidence n'apparaissent parfois que 50 ans après les faits dans les documents notariaux.
  4. Identifiez quels types de documents notariaux sont susceptibles de contenir des renseignements sur vos ancêtres. Il existe deux sources d'information :
  5. Planifiez votre recherche ! Faites une liste, et triez-en les éléments dans un ordre qui vous semble logique. Commandez un ou deux films à la fois, et travaillez à rebours, en notant bien ce qui a déjà été parcouru, et ce, même si vous n'avez rien trouvé.
  6. Tenez un journal de vos recherches, en notant suffisamment de renseignements sur chacune des transactions impliquant votre famille de façon à savoir  (a) où la retrouver le cas échéant, (b) quelles étaient les parties impliquées dans cette transaction, (c) la date de la transaction, ainsi que (d) ce sur quoi elle portait. Chaque fois que vous trouverez un document contenant des informations sur les relations et suffisamment lisible pour pouvoir être déchiffré au moins partiellement, songez à en faire une photocopie, suffisamment agrandie pour permettre à un paléographe expérimenté de le lire par la suite. Ce paléographe, ce sera  vraisemblablement vous, si vous poursuivez vos recherches au-delà de quelques mois.
  7. Lorsque vous copiez un document, pensez à l'identifier !

Comment déchiffrer ces documents ?

Réponse : petit à petit !

Réponse détaillée : il y a plusieurs problèmes à résoudre. Tout d'abord, l'état de conservation des documents peut rendre certaines sections totalement illisibles, par exemple lorsque l'encre a traversé le papier, et que les écritures recto et verso se retrouvent entremêlées. Dans un tel cas, je vous conseille de ne pas perdre trop de temps sur ce document, car les informations que vous y glaneriez seraient très sujettes à erreur. En second lieu, chaque notaire (ou clerc, car il est courant de trouver plusieurs écritures différentes à l'intérieur d'un même registre notarial)  a sa propre écriture et ses abréviations, ainsi que sa propre personnalité. Troisièmement, et même si vous arrivez à déchiffrer la plupart des mots, le jargon légal d'autrefois peut être très difficile à comprendre. Cela peut s'avérer  beaucoup plus compliqué encore que le jargon des dossiers de crédit immobilier d'aujourd'hui !

Malgré cela, les dossiers de la plupart des notaires peuvent être très utiles pour la recherche généalogique. Chaque notaire est différent; néanmoins il  vous sera dans tous les cas profitable d'avoir étudié auparavant les registres paroissiaux pour vous habituer à l'écriture de l'époque ainsi qu'aux patronymes et toponymes de la région. Les noms que vous aurez préalablement reconnus vos serviront de Pierre de Rosette pour décoder ensuite ceux qui sont plus difficiles à déchiffrer. Parfois, il est bon de survoler d'abord l'ensemble du volume pour mieux en comprendre l'organisation. Vous trouverez peut-être des documents éparpillés à l'intérieur du volume mais correspondant à un même acte légal (par exemple, le règlement d'une succession), et leur lecture conjointe vous permettra peut-être d'expliciter certaines phrases au sens obscur.
Vous aurez peut-être des difficultés à comprendre les abréviations et le style télégraphique. Il existe des formes sténographiques pour certaines syllabes: un grand "p" pour  "pro", "pre", ou "per"; un grand "q" pour "con" ou "com"; un "d" avec une barre terminale descendant en dessous de la ligne pour  "dit", "dits", "ditte", or "dittes" dans les mots composés comme "prédit"; diverses formes de crochets, boucles ou traits peuvent remplacer, à la fin d'un mot, une ou plusieurs syllabes omises. Cliquez ici pour étudier quelques formes typiques d'abréviations.

Comment identifier les parties dans une transaction?

Dans les registres d'actes notariés (par opposition aux minutaires ou recueils de compte-rendus), on trouve fréquemment un titre synthétique en tête de chaque document. En cas de doute, recopiez le titre, qui devrait au moins indiquer l'acheteur. Quand ce titre mentionne toutes les parties, l'acheteur est normalement indiqué en premier, puis le nom du vendeur, séparés par le mot "Contre". Mais il n'y a aucune obligation à ce que le titre mentionne toutes les parties !

A l'intérieur d'un document concernant la vente ou la donation d'un bien, le vendeur ou donateur est en principe indiqué en premier. En pratique, ces documents sont très voisins des  actes notariés modernes (et tout aussi ternes), avec des formules comme "Jean Favre, en pleine possession de ses moyens et informé de ses droits, vend, cède, abandonne, ou transfère à Joseph Favre la propriété suivante, à savoir...", suivie d'une description détaillée de la propriété, de son prix, et d'une série de clauses liées à cette transaction. Le document se termine en général par la DATE et les noms de deux témoins ou plus. La mention de relations entre les parties ou de circonstances particulières ajoute parfois de l'intérêt à ces documents. Le vendeur agit parfois au nom de sa femme ou d'une autre personne (relation souvent indiquée), et il peut être apparenté à l'acheteur. La transaction peut concerner une dot, une dette, un héritage ou un jugement quelconque. L'intérêt de ce document du point de vue généalogique peut fort bien résider dans ces détails.

Pensez aussi qu'il existe des séries de documents où le vendeur et l'acheteur ne sont mentionnés que dans le premier, les autres documents se référant alors au premier par une phrase du genre "Le vendeur comme dessus" ou "Le prédit". Il est aussi fréquent de reporter des dates et de noms de témoins dans des documents successifs à l'aide de phrases du genre "même date que dessus" ou "témoins comme dessus".

Notez toujours comment est identifiée chaque partie. Est-ce un "bourgeois" d'une ville particulière, ou vit-il simplement là ? Son métier est-il indiqué ? Sa filiation est-elle indiquée et, le cas échéant, son père était-il déjà décédé ?

Quels types de  transactions rencontre-t-on ?

Les notaires enregistraient toutes sortes de contrats, transactions, reconnaissances de dettes, allant du paiement d'une meule de fromage au transfert de droits féodaux. (Lien : Les Devoirs d'un Notaire.) Voici quelques-uns des types de transactions que l'on rencontre :
  1. Vente d'un bien
  2. Accords accompagnant une vente et stipulant les échéances
  3. Testaments
  4. Transactions relatives à un héritage, y compris les accords de partage entre héritiers ou d'indivision de certains biens.
  5. Contrats de mariage
  6. Constat de ce que les clauses du contrat de mariage ont été honorées
  7. Adjudication de biens au plus offrant en cas de dettes, ou bien pour recueillir des fonds pour les hôpitaux ou les pauvres.
  8. Reconnaissances de dettes en échange de services rendus, de marchandises ou de prêt d'argent
  9. Rééchelonnement de dettes pour services, marchandises, ou prêts
  10. Bail de location
  11. Accords pour la mise en estivage de bétail, payables à l'aide du fromage obtenu
  12. Donations de biens, aussi bien celle d'un homme transmettant son bien à ses enfants avant sa mort, que les donations entre voisins et amis
  13. Echanges de foncier (à la suite des divisions d'héritage, beaucoup de parcelles de terre devenaient si petites qu'il était souhaitable d'échanger des parcelles de valeur équivalente pour regrouper ses possessions)
  14. Décharge de responsabilité, par exemple lorsqu'un pupille atteint sa majorité et reçoit son héritage et décharge du même coup ses tuteurs de toute responsabilité ultérieure
  15. Transactions portant sur des droits féodaux, des titres, des taxes, etc.
  16. Transactions entre communes ou individus
  17. Octroi du statut de bourgeois
  18. Transactions entre communes, souvent représentées par des membres du conseil municipal, identifiés par leur nom
  19. Règlements de conflits ayant été portés devant le conseil municipal, un consistoire, ou une assemblée de notables chargés d'intervenir dans une dispute, comportant habituellement une explication sur les raisons du différend, ainsi que les termes de l'accord conclu (ces conflits vont des désaccords au sujet d'un héritage jusqu'aux accusations de calomnie)
  20. Contrats d'apprentissage, et sortie d'apprentissage
  21. Transactions et accords concernant les vignobles : innombrables transferts de propriété, locations, accords avec les travailleurs, etc.

Que signifie cette transaction?

Comprendre parfaitement un document légal complexe du 16e siècle ne vous sera guère plus utile que de comprendre dans le détail un document de prêt immobilier du 20e siècle ! Les détails d'un document concernant un transfert de propriété entre individus peuvent s'avérer de peu d'intérêt dans le cas d'une recherche généalogique; l'intérêt du document sera peut-être simplement de prouver que votre ancêtre était vivant et qu'il se trouvait à un endroit donné à la date donnée.

Toutefois, dans les documents relatifs au mariage et à l'héritage, on peut trouver des informations concernant les générations précédentes. Il est utile de comprendre au moins partiellement la terminologie légale de cette époque. En particulier, le vocabulaire légal de l'époque féodale pose quelques problèmes. On trouvera certains termes explicités dans les dictionnaires modernes. Il existe des études portant sur les documents de mariage et de propriété, mais ces études sont presqu'aussi obscures que les documents eux-mêmes. Si un document vous semble important, et si vous pouvez en déchiffrer la plus grande part, mais sans arriver à comprendre la nature de la transaction, il peut être utile d'en poster les détails dans le forum deVaud dans l'espoir qu'une personne plus expérimentée puisse vous aider à l'interpréter. Enfin, rappelez-vous que beaucoup d'anciens termes juridiques français sont directement dérivés des termes juridiques latins correspondants; vous pourrez parfois trouver des éclaircissements dans un bon dictionnaire juridique.


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Traduction française par Anne Bohy